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Québec : Non au projet de lieu historique national à Arvida de Ville Saguenay!

category amérique du nord / mexique | histoire | opinion / analyse author Sunday July 17, 2011 06:16author by anonymous Report this post to the editors

Arvida est à la classe ouvrière

Nous pouvions récemment apprendre par les médias que la Ville de Saguenay souhaite obtenir une reconnaissance de lieu historique national au niveau provincial, à Parcs Canada et même à l’UNESCO pour une partie du quartier Ste-Thérèse d’Arvida. Nous devrions nous sentir appeler à se mobiliser pour battre le projet et mettre plutôt en valeur un patrimoine local de classe et de combat sociaux. Arvida est à nous!
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Nous pouvions récemment apprendre par les médias que la Ville de Saguenay souhaite obtenir une reconnaissance de lieu historique national au niveau provincial, à Parcs Canada et même à l’UNESCO pour une partie du quartier Ste-Thérèse d’Arvida. Carl Dufour, conseiller municipal qui soutient le projet, souhaite ainsi souligner le rôle du complexe d’usines d’Alcan durant la deuxième guerre mondiale en tant que fournisseur, selon lui, de 90% de l’aluminium des alliés pour la construction d’avions militaires. «Sans Arvida, les Allemands auraient peut-être gagné la guerre », a-t-il lancé en entrevue à la revue l’Actualité à l’automne 2010, signalant que cela correspondrait avec la mission de Parcs Canada de protéger des lieux « reconnus pour leur rôle dans l’histoire du pays ». D’autres supportaires du projet de désignation patrimoniale pointent plutôt le caractère planifié des rues de la ville-compagnie dont le nom, Arvida, provient effectivement des deux premières lettres de chaque nom du fondateur et président d’ALCOA, Arthur Vining Davis. Ne désirant pas être soumi-se-s aux règles de protection du patrimoine et aux coûts y étant reliés, de nombreux et nombreuses habitant-e-s du coin font actuellement circuler des pétitions. Il y a bien plus de raisons pour lesquelles nous devrions nous sentir appeler à se mobiliser pour battre le projet et mettre plutôt en valeur un patrimoine local de classe et de combat sociaux. Arvida est à nous!

Bien plus qu’une augmentation des coûts des travaux résidentiels, je considère que ce projet de lieu historique national devrait nous faire voir plus clairement un lourd rapport de domination, toujours bien vivant aujourd’hui grâce à notre petite bourgeoisie locale, toujours inféodée aux intérêts des grands capitalistes. Un rapport que nous devons briser. Tout comme il en est pour les maisons de grands bourgeois comme J.-E.-A. Dubuc, le Monument Price ou les innombrables sites de visite religieux du Saguenay, ce n’est pas le patrimoine populaire que nos élites et les technocrates « mettront en valeur » avec ce projet mais plutôt le patrimoine des exploiteurs et oppresseurs d’un autre temps. C’est comme si ce n’était pas des travailleurs et travailleuses, dont plusieurs sont mort-e-s à l’ouvrage, qui avaient tout construit, tout produit, pour se faire au final, tout piller en vertu des saintes lois du capitalisme. Que l’on pense à des lieux historiques comme le Vieux-Québec ou le Canal de Lachine ou à des parcs comme Kouchibouguac, c’est plus qu’un hasard si c’est toujours l’histoire des plus puissants qui est mise de l’avant par Parcs Canada ; il s’agit de la domination idéologique de la classe bourgeoise, identifiée comme un fait établi de notre culture par les technocrates. En d’autres mots, oublions les grandes grèves historiques ou les luttes héroïques comme celle de Jackie Vautour et sa famille, la soumission des travailleuses et travailleurs n’en sera que plus facile.

La ville d’Arvida a été construite dans les années 1926 et 1927 sous le modèle d’une ville de compagnie, c’est-à-dire une ville conçue et construite par ALCOA, qui y déteint par ailleurs un droit de regard sur tout ce qui s’y passait et y posséda tout durant plusieurs décennies. Sa localisation fut choisie en fonction de l’offre d’une grande quantité d’électricité à peu de frais, chose qui perdure encore aujourd’hui, l’entreprise ayant même pu échapper à la nationalisation de l’électricité en 1962. La conception de la ville et de ses espaces différenciés par classe sociale avait une fonction première de contrôle social sur les ouvriers et ouvrières de la ville. Dans ce genre de ville, la division sexuelle du travail était renforcée, les femmes exerçant dans une plus grande proportion un travail non-rémunéré dans l’aide à la reproduction de la force de travail de leur mari et s’occupant de la prochaine génération de travailleurs de l’usine. Pour exploiter le potentiel de production hydroélectrique de la région, Arthur Vining Davis s’associa avec Duke Price pour construire de 1923 à 1926 le Barrage de l’Isle-Maligne, considéré comme le plus grand barrage au monde à l’époque. La mise en action de ce barrage causa l’inondation permanente des terres riveraines du Lac-St-Jean, parmi les plus belles terres agricoles au Québec. 940 cultivateurs perdirent 60 000 acres de terre sous les eaux et des villages entiers ont été inondés pour que les grandes entreprises viennent exploiter les ressources de la région. L’acte était totalement illégal, Price et Davis n’ayant ni acheté les terres des agriculteurs qui furent perdues à jamais, ni émis d’avertissement aux cultivateurs. Bien que le gouvernement reconnu l’illégalité de cette forme d’expropriation sauvage par les grands bourgeois, les institutions juridiques leur permirent de s’en sortir à faible coût, malgré le mouvement de contestation des agriculteurs, dont Onésime Tremblay qui a tout perdu dans ce combat.

En 1936, il y a 75 ans, alors que le salaire à l’usine d’Alcoa n’était encore que de 30 cents de l’heure, les travailleurs et travailleuses formèrent le Syndicat National des Employés de l’Aluminium d’Arvida et leur première convention collective, négociée en 1937, leur amena une augmentation de salaire de 25% en plus de vacances payées pour les travailleurs manuels. Le climat et la cadence de travail devinrent toutefois de plus en plus infernaux avec les années de la Deuxième Guerre mondiale, une dégradation des conditions soutenue par le gouvernement pour la production d’armes pour la guerre. De plus, de fortes tensions et disparités demeurèrent jusqu’à l’éclosion, en 1941, d’une grève spontanée, contre l’avis du syndicat et illégale puisque considérée comme un acte de sabotage de la production de guerre. Cette grève ne dura que 6 jours, durant lesquels les travailleurs et travailleuses occupèrent l’usine puis en furent chassé-e-s par deux compagnies de soldats de Valcartier, équipées de mitrailleuses et de chars d’assaut, ainsi que de 400 policiers de la Sûreté du Québec. La grève eut des échos à travers le Canada avec l’intervention du gouvernement pour attaquer le droit de grève des travailleurs et travailleuses d’Arvida, mais la population régionale se solidarisa fortement à leur lutte. De la Deuxième Guerre mondiale, nous devrions également se souvenir de ce barrage (de 896 000 kW, battant le précédent record mondial de l’Isle-Maligne) construit à Shipshaw durant un impitoyable « chantier de guerre » par le gouvernement pour fournir l’aluminerie d’Arvida. En raison du manque de précautions pour la sécurité et la santé des travailleurs, de nombreux furent ensevelies sous des coulées de ciment et tués par l’explosion de bâtons de dynamite. Nous avons raison de douter que Parcs Canada parlera de ça sur ses petites plaquettes commémoratives!

Ce n’est qu’à l’âge de 90 ans, en 1957, qu’Arthur Vining Davis démissionna de son poste de président du conseil d’administration d’ALCOA. Cette année là, sa fortune était évaluée de 200 à 350 millions de dollar (en dollar de l’époque). Les travailleurs de l’usine mourraient, eux, généralement dans la cinquantaine ou plus jeune en raison de leur travail. 1957 fut également l’année d’une grève marquante de 4 mois à l’aluminerie, à laquelle participèrent près de 7 000 travailleurs et travailleuses. 16 ans plus tard, en 1973, des chiffres du syndicat révélaient que seulement 64% des syndiqué-e-s avaient traversé la crise d’endettement suscitée par cette grève malgré l’apport très significatif du comité d’aide aux grévistes qui s’était formé durant celle-ci. Plusieurs autres grèves à l’usine Alcan d’Arvida eurent lieu par la suite, dont certaines, dans les années 1970, connurent de très violents affrontements entre les ouvriers et la police. Et enfin, en 2004, pour protester contre la mise à pied de 560 travailleurs et travailleuses avec la fermeture des cuves Soderberg, ils et elles ont occupé et refait fonctionner l’aluminerie, sans patron, durant 19 jours, jusqu’à ce qu’ils et elles soient placé-e-s sous le coup d’une ordonnance de la Commission des relations de travail du Québec. Un exemple de combativité pour tou-te-s les autres travailleurs et travailleuses du Canada.

Tout cela n’est qu’un aperçu du patrimoine d’Arvida appartenant à la classe ouvrière et nous ne devons jamais l’oublier. La bourgeoisie peut exercer son contrôle via bien des institutions mais elle ne peut pas contrôler les idées qui ont fait leur chemin dans le temps et ont influencé les gens par l’espoir d’une autre vie possible. Je dis non au projet de lieu historique national à Arvida proposé par Ville Saguenay puisqu’il faut briser le rapport de domination historique de la grande bourgeoisie sur la région plutôt que l’entretenir. En connaissant mieux les luttes passées des classes ouvrière et populaire, nous pourrons mieux comprendre et organiser les luttes de demain. Ne comptons pas sur Parcs Canada, Ville Saguenay et le ministère québécois de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Arvida est à la classe ouvrière.

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