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2. L'anarchisme social, la lutte des classes et les relations Centre-Périphérie

category brésil/guyane/suriname/guinée française | mouvement anarchiste | déclaration de principes author Monday August 06, 2012 20:00author by FARJ - FARJ Report this post to the editors
Anarchisme social et organisation Traduction Française

2.L'anarchisme social, la lutte des classes et les relations Centre

[...] Parce que l'anarchisme est une idéologie
qui refuse de créer de nouveaux systèmes centraux
avec de nouvelles zones périphériques.
Rudolf de Jong

L'anarchisme est, pour nous, une idéologie, c'est à dire un ensemble d'idées, de motivations, d'aspirations, de valeurs, une structure ou un système de concepts qui a un lien direct avec l'action - ce que nous appelons la pratique politique.
L'idéologie exige la formulation des objectifs finaux (à long terme, les perspectives d'avenir), l'interprétation de la réalité dans laquelle nous vivons et un pronostic plus ou moins approximatif quant à la transformation de cette réalité.
Sur la base de cette analyse, l'idéologie n'est pas un ensemble de valeurs abstraites et d'idées dissociées de la pratique, avec un caractère purement réflexif, mais plutôt un système de concepts qui existent et sont conçues de manière conjointe avec la pratique et qui la nourrissent à leur tour. Ainsi, l'idéologie exige une action volontaire et consciente avec l'objectif d'imprimer le désir de transformation sociale dans la société.
Nous comprenons l'anarchisme comme une idéologie qui fournit une orientation pour l'action dans le but de remplacer le capitalisme, l'État et ses institutions par le socialisme libertaire - un système basé sur l'autogestion et le fédéralisme - sans aucune prétention scientifique ou prophétique.
Comme les autres idéologies, l'anarchisme a une histoire et un contexte spécifique. Il n'émerge pas d'intellectuels ou penseurs détachés de la pratique, qui ne poursuivaient que la réflexion abstraite. L'anarchisme a une histoire qui s'est développée au sein des grandes luttes de classe du XIXe siècle, quand il a été théorisé par Proudhon et a pris forme au sein de l'Association internationale des travailleurs (AIT), avec le travail de Bakounine, Guillaume, Reclus et d'autres qui prônaient socialisme révolutionnaire dans l'opposition au socialisme réformiste, légaliste ou étatique. Cette tendance de l'AIT a été plus tard connu sous le nom «fédéraliste» ou «anti-autoritaire" et a trouvé sa continuité dans le militantisme de Kropotkine, Malatesta et d'autres.
Ainsi, c'est au sein de l'AIT que l'anarchisme a pris forme, "dans la lutte directe des ouvriers contre le capitalisme, à partir des besoins des travailleurs, de leurs aspirations à la liberté et l'égalité qui ont vécu, en particulier, dans les masses de travailleurs pendant les temps les plus héroïques »[1].

Le travail de théorisation de l'anarchisme a été fait par les penseurs et les travailleurs qui ont été directement impliqués dans les luttes sociales et qui ont contribué à formaliser et diffuser le sentiment qui était latent dans ce qu'ils appelaient le «mouvement de masse". Ainsi Au fil des ans l'anarchisme s'est développé théoriquement et pratiquement. D'une part il a contribué d'une manière unique à des épisodes de la transformation sociale, maintenant son caractère idéologique comme, par exemple, dans la Révolution mexicaine, la révolution russe, la révolution espagnole ou même dans les épisodes brésiliens, comme la grève générale de 1917 et l'insurrection de 1918.
D'autre part, dans certains contextes l'anarchisme a endossé certaines caractéristiques qui l'ont éloigné de son caractère idéologique, en le transformant en un concept abstrait qui est devenu tout au plus une forme d'observation critique de la société. Au fil des ans ce modèle de l'anarchisme s'est donné sa propre identité, se trouvant des références dans l'histoire et perdant dans le même temps son caractère de lutte pour la transformation sociale. Cela fut plus particulièrement évident dans la seconde moitié du XXe siècle. La pensée de l'anarchisme dans cette perspective cesse d'être un outil pour les exploité-e-s dans leur lutte pour l'émancipation et fonctionne comme un passe-temps, une curiosité, un thème pour le débat intellectuel, une niche universitaire, une identité, un groupe d'amis, etc Pour nous , ce point de vue menace gravement le sens même de l'anarchisme.
Cette influence désastreuse sur l'anarchisme a été constatée et critiqué par divers anarchistes, depuis Malatesta, quand il polémiquait avec les individualistes qui étaient contre l'organisation, jusqu'à Luigi Fabbri, qui avait déjà développé sa critique des influences bourgeoises sur l'anarchisme au début du XXe siècle [3], et à Murray Bookchin qui, dans les milieu des années 1990, a constaté ce phénomène et tenté d'avertir:
À moins que je me trompe fortement - et je l'espère - les objectifs sociaux et révolutionnaires de l'anarchisme se sont émoussés à un tel point que le mot anarchie deviendra partie intégrante du vocabulaire bourgeois élégant du siècle prochain - désobéissant, rebelle, insouciant, mais délicieusement inoffensif [4].
Nous plaidons pour que l'anarchisme se réapproprie son caractère idéologique originel, ou comme nous l'avons déjà défini, un «système de concepts qui a un lien direct avec l'action, [...] et la pratique politique". Cherchant à retrouver ce caractère idéologique et à nous démarquer d'autres courants dans le camp large de l'anarchisme contemporain, nous préconisons l'anarchisme social et donc nous corroborons les critiques de Malatesta et Fabbri et affirmons la dichotomie identifiée par Bookchin; affirmant qu'il existe aujourd'hui un anarchisme social retournant aux luttes avec l'objectif de transformation sociale, et un anarchisme « mode de vie » qui renonce à la proposition de transformation sociale et à l'implication dans les luttes sociales de notre temps.
Pour nous l'anarchisme social est un type d'anarchisme qui, en tant qu'idéologie, cherche à être un outil des mouvements sociaux et de l'organisation populaire avec pour objectif le renversement du capitalisme et de l'État et d'édification du socialisme libertaire - autogéré et fédéraliste. À cette fin, il favorise le retour organisé des anarchistes à la lutte des classes, dans le but de retrouver ce que nous appelons le vecteur social de l'anarchisme. Nous croyons que c'est parmi les classes exploitées - les principales victimes du capitalisme - que l'anarchisme est en mesure de s'épanouir. Si, comme Neno Vasco l'a dit, nous devons jeter les graines de l'anarchisme sur le terrain le plus fertile, ce terrain est pour nous la lutte des classes qui a lieu dans les mobilisations populaires et dans les luttes sociales. Cherchant à opposer l'anarchisme social à l'anarchisme « mode de vie », Bookchin a affirmé que
l'anarchisme social est radicalement en contradiction avec l'anarchisme qui se concentre sur le mode de vie, l'invocation néo-situationniste de l'extase et la souveraineté de plus en plus contradictoires de l'ego petit-bourgeois. Les deux divergent totalement dans leurs principes fondateurs - socialisme ou individualisme. [5]
Commentant le titre de son livre « l'Anarchisme social» Frank Mintz, un autre militant et penseur contemporain a souligné: "ce titre devrait être inutile, car les deux termes sont implicitement liés. Il est également trompeur, car il suggère qu'il pourrait y avoir un non-anarchisme social, en dehors des luttes "[6]. En ce sens, nous considérons que l'anarchisme social est nécessairement impliqué dans la lutte des classes.
Dans notre vision de l'anarchisme social, comme «un outil fondamental pour le soutien des luttes quotidiennes» [7], nous avons aussi besoin de clarifier notre définition de la classe. Tout en considérant la lutte des classes comme centrale et tout à fait pertinente dans la société aujourd'hui nous considérons que les marxistes, en choisissant l'ouvrier d'usine comme sujet unique et historique de la révolution, méprise toutes les autres catégories des classes exploitées, bien qu'elles soient également des sujets potentiellement révolutionnaires. Les conceptions autoritaires de la classe laborieuse, qui se limite seulement à la catégorie des ouvriers de l'industrie, ne recouvrent pas la réalité des rapports de domination et d'exploitation qui ont pris place tout au long de l'histoire ni même les rapports de dominations qui se produisent dans cette société. Tout comme il ne recouvre pas l'identification des sujets révolutionnaires du passé et du présent.
A partir de la nécessité de clarifier cette conception de la classe, nous incluons dans le camp des classes exploitées - qui peut et doit contribuer au processus de transformation sociale par des moyens de lutte de classe - les autres catégories qui ont en grande partie retenues l'attention des anarchistes à travers l'histoire. Cette définition de la conception de la classe ne change pas le fait que la lutte de classe est le terrain principal de l'action de l'anarchisme social, mais offre une façon différente de voir notre objectif: la transformation des relations centre-périphérie, ou plus précisément, la transformation de la rapports de domination des périphéries par les centres. Sur la base de la classification de Rudolf de Jong [8] et sur celle de notre propre histoire récente de la lutte, nous conceptualisons toutes les classes exploitées à partir des relations centre-périphérie. Ainsi, font parties de ce groupe :

A. les cultures et les sociétés complètement aliénées et distanciées du centre, pas du tout «intégrée», et «sauvage» aux yeux du centre. Par exemple, les Indiens d'Amazonie.

b. Les zones périphériques liées au centre et appartenant à ses structures socio-économiques et politiques qui tentent, dans le même temps, de maintenir leurs identités. Elles sont dominées par le centre, menacés dans leur existence par l'expansion économique de celui-ci. Selon les normes du centre, ils sont «en retard» et sous-développées. Par exemple, les communautés indigènes du Mexique et les pays andins. D'autres exemples de cette catégorie - peut-être nous devrions parler d'un sous-groupe b.1 – sont les petits agriculteurs, les travailleurs qualifiés et les paysans menacés dans leur existence sociale et économique par le progrès du centre et qui luttent encore pour leur indépendance.

c. Les classes économiques ou socio-économiques des systèmes qui faisaient partie du centre, mais qui ont été ramené à une position périphérique après les innovations technologiques et les développement socio-économiques dans le centre. Par exemple, le lumpen-prolétariat, les travailleurs informels et précaires et l'armée permanente des sans emploi.

d. Les classes sociales et les groupes qui prennent part au centre dans un sens économique, mais qui sont périphériques dans un sens social, culturel et / ou politique: les classes laborieuses, le prolétariat dans les sociétés industrielles émergentes, les femmes, les Noirs, les homosexuels.
e. Les relations Centre-Périphérie de nature politique, que ce soit entre États ou en leur sein: les relations coloniales ou impérialistes, les relations entre les capitales et les provinces, etc. De telles relations dans le système capitaliste sont développés en parallèle avec les relations économiques mentionnés ci-dessus – ou groupe. e.1: la domination néo-capitaliste, la colonisation interne et l'exploitation.

En acceptant cette classification, tout en étant conscient de ses limites, nous définissons la catégorie des classes exploitées comme les zones périphériques qui sont dominés par le centre. Il est important de souligner que nous ne considérons pas comme faisant partie de cet ensemble des classes exploité-e-s des individus qui sont, en théorie, dans les zones périphériques, mais qui dans la pratique établissent des relations de domination sur les autres, devenant ainsi de nouveaux centres. D'où la nécessité pour toutes les luttes des classes exploitées d'avoir une perspective révolutionnaire, afin qu'elles ne cherchent pas simplement à constituer de nouveaux centres à partir de parties des zones périphériques.
Partant de cette définition, il existe deux façons de penser les transformations sociales: l'une, autoritaire, historiquement utilisée par les héritiers du marxisme (révolutionnaire ou réformiste) et une autre, libertaire, utilisée par les anarchistes.
Les autoritaires, y compris certains qui se disent anarchistes, considèrent le centre comme un moyen, et orientent leur politique vers celui-ci. Pour eux, le centre - considérant que cela soit l'Etat, le parti, l'armée, la position de contrôle - est un instrument pour l'émancipation de la société, et «la révolution signifie en premier lieu la prise de contrôle du centre et de sa structure de pouvoir , ou la création d'un nouveau centre "[9]. La conception même de la classe qu'ont les autoritaires est basée sur le centre, quand ils définissent le prolétariat industriel en tant que sujet historique – ce qui est décrit dans la lettre "d" de la définition précitée - et exclut et marginalise les autres catégories des classes exploitées qui sont dans la périphérie, comme, par exemple, la paysannerie.
Les libertaires ne considèrent pas le centre comme un moyen, et luttent en permanence contre lui, construisant leur modèle révolutionnaire et leur stratégie de lutte en direction de toutes les périphéries – telles que décrites par les lettres allant de "a" à "e" dans le définition ci-dessus. C'est à dire, que dans son activité dans la lutte des classes l'anarchisme considère comme éléments des classes exploitées les communautés traditionnelles, les paysans, sans emplois, sous-employés, les sans-abri et d'autres catégories souvent négligés par les autoritaires. "Ainsi, la lutte est développée par quelqu'un qui (sent) vraiment les effets du système, et donc [a besoin] de l'abolir de toute urgence» [10]. Les anarchistes stimulent les mouvements sociaux dans la périphérie à partir de la base et cherchent à construire une organisation populaire afin de lutter contre l'ordre existant- dans la solidarité - et de créer une nouvelle société qui serait fondée sur l'égalité et la liberté, et dans laquelle les classes ne feraient plus sens. Dans cette lutte les anarchistes utilisent les moyens qui contiennent, en eux-mêmes, les germes de la future société.
La conception anarchiste des forces sociales derrière le changement social est beaucoup plus générale [...] que la formule marxiste. Contrairement au marxisme, il ne donne pas un rôle spécifique au prolétariat industriel. Dans les écrits anarchistes, nous trouvons toutes sortes de travailleurs pauvres, et tous les opprimés, tous ceux qui en quelque sorte appartiennent à des groupes ou des zones périphériques et sont donc des facteurs potentiels dans la lutte révolutionnaire pour le changement social [11].
Avec cette conception des forces révolutionnaires, nous affirmons que "tout indique que c'est dans la périphérie, dans les marges, que la révolution conserve sa flamme allumée »[12]. Par conséquent, notre conclusion est que l'anarchisme doit être en contact permanent avec les périphéries afin de développer son projet de transformation sociale.

Notes:
1. Dielo Trouda "Plateforme por una organizativa Unión General de Anarquistas". Traduction de l'espagnol, revue et corrigée par Frank Mintz. Nous utilisons des citations de cette traduction faites directement à partir de la version russe, comme les versions dont nous disposons en portugais et en espagnol, toutes deux traduites à partir du français, ont plusieurs différences avec l'original russe. Bien que le titre du document ici est espagnol, nous faisons référence au même document traduit en français par "La Plate-forme organisationnelle des communistes libertaires".
2. Errico Malatesta, "Anarchisme y Anarquia". Extrait du Pensiero et Volontà, le 16 mai 1925. Dans: Vernon Richar
3. Luigi Fabbri, "les influences bourgeoises sur l'anarchisme"
4. Murray Bookchin, «L'anarchisme social ou l'anarchisme mode de vie: un gouffre infranchissable».
5. Ibid.
6. Frank Mintz, Anarchisme social. São Paulo: Imaginário / Faisca / Farj / CATL, 2006, p. 7.
7. Farj. "Un um é Propriedade Roubo". Dans: Protesta! 4. Rio de Janeiro / São Paulo: Farj / CATL, 2007, p. 11.
8. Comme l'auteur le précise, cette classification n'est pas destinée à épuiser les relations et il ya des catégories qui se chevauchent. Le terme "zone", toujours selon l'auteur, se réfère plus à un groupe social qu'à un concept géographique. Rudolf de Jong. "Algumas Observações sobre a Concepção Libertaria de Mudança social". Dans: Paulo Sérgio Pinheiro. "O Estado Autoritário e Movimentos Populares». Rio de Janeiro: Paz e Terra, 1980, pp 305-353. Le classement initial se trouve aux pages 309 et 310 du livre. Ce texte a été réédité en 2008 par les Publications Faisca, en co-édition avec la0Farj, sous le titre "Un Concepção Libertaria da Transformação social Revolucionária".
9. Ibid. p. 312
10. Farj. "Por um Novo Paradigma de Análise faire Panorama Internacional". Dans: Protesta! 4!, P. 31.
11. Rudolf de Jong. Op. Cit. p. 324.
12. Farj. "Por um Novo Paradigma ...". Dans: Protesta! 4!, P. 31.

0. Préface du Traducteur

1. Introduction

2. L'anarchisme social, la lutte des classes et les relations Centre-Périphérie

3. L'anarchisme au Brésil: la perte et la tentative de récupération du vecteur social

4. 4. La société de domination et d'exploitation: le capitalisme et l'Etat

5. 5. Les objectifs finaux: la révolution sociale et socialisme libertaire

6. L’organisation et la force sociale

7. Les mouvements sociaux et l'organisation populaire

8. L'organisation spécifique anarchiste

9. L'organisation spécifique anarchiste: la pratique et l'insertion sociale

10. L'organisation spécifique anarchiste: production et reproduction de la théorie

11. L'organisation spécifique anarchiste: la propagande anarchiste

12. L'organisation spécifique anarchiste spécifique: formation politique, relations et gestion des ressources

13. L'organisation spécifique anarchiste: rapports entre L'organisation spécifique anarchiste et les mouvements sociaux

14. L'organisation Spécifique Anarchiste: La nécessité de la stratégie, de la tactique et du programme

15. L'Especifismo: L'organisation anarchiste, perspectives et influences historiques

16. Notes et conclusion

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