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4. La société de domination et d'exploitation : le capitalisme et l'Etat

category brésil/guyane/suriname/guinée française | mouvement anarchiste | déclaration de principes author Monday August 06, 2012 20:05author by FARJ - FARJ Report this post to the editors
Anarchisme social et organisation Traduction française

4. La société de domination et d'exploitation : le capitalisme et l'Etat

La société de domination et d'exploitation :
Le capitalisme et l'Etat
La richesse des uns se fait avec la misère des autres.
Piotr Kropotkine
Pour ceux qui sont au pouvoir, l'ennemi c'est le peuple.
Pierre-Joseph Proudhon

Le capitalisme comme système s'est développé depuis la fin du Moyen Age et a été mis en place au XVIIIe et au XIXe siècles en Europe occidentale. Il s'est constitué comme un système économique, politique et social, en se fondant sur les relations entre deux classes antagonistes. D'une part, celle que l'on appelle la «bourgeoisie» et que nous qualifieront dans ce texte de «capitalistes», les détenteurs de la propriété privée des moyens de production, qui emploient les travailleurs par le biais du travail salarié. D'autre part, ce qui est appelé le «prolétariat», et que nous nommerons dans ce texte «travailleurs» qui, ne possédant rien de plus que leur force de travail, doivent la vendre en échange d'un salaire. Comme nous l'avons souligné précédemment, le travailleur salarié - objet classique d’analyse dans les thèses socialistes du XIXe siècle - pour nous, constitue aujourd'hui seulement l’une des catégories des classes exploitées.
L'objectif des capitalistes est la production de biens en vue de réaliser des profits. "L'entreprise [capitaliste] n’est pas préoccupée par les besoins de la société; son seul but est d'augmenter les profits du propriétaire de l'entreprise " [27] Par le biais du travail salarié, les capitalistes paient les travailleurs aussi peu que possible et s’approprient à leur détriment tout le surplus de leur travail, qui est appelé « plus-value ». Cela se produit parce que, dans le but d'accroître leurs profits, les capitalistes doivent avoir les coûts les plus bas, ou dépenser aussi peu que possible. Vendant leurs marchandises au prix les plus élevés que le marché peut payer, il leur reste la différence entre ce qu'ils dépensent et ce qu'ils gagnent - le profit. Pour contenir les coûts, et donc augmenter les profits, les capitalistes ont divers recours ; parmi ceux-ci accroître la productivité et de diminuer les coûts de production. Il y a plusieurs façons pour réaliser cela, comme imposer un taux plus élevé de travail aux travailleur-euse-s et réduire les salaires qui leur sont versés.
Cette relation entre les capitalistes et les travailleur-euse-s génère des inégalités sociales, l'un des grands maux de la société dans laquelle nous vivons. Cela a déjà été démontré par Proudhon, quand il a enquêté sur le sujet au dix-neuvième siècle:
J'ai affirmé alors que toutes les causes de l'inégalité sociale peuvent réduites à trois : 1) la libre appropriation de la force collective, 2) l'inégalité dans le commerce; 3) le droit au profit ou à la fortune. Et, comme cette triple façon d'usurper les biens d'autrui est, en substance, la domination de la propriété, j'ai nié la légitimité de la propriété et ait proclamé qu’elle équivalait au vol [28].
Pour nous la propriété privée, comme Proudhon l’a noté, c'est le vol, puisque, dans le cadre du salariat, il donne au capitaliste le surplus généré par le travail des travailleurs. Cette propriété, « après avoir dépouillé le travailleur par l'usure, le tue lentement par épuisement» [29].
En plus d'être un système qui crée et maintient les inégalités sociales, le capitalisme est basé sur la domination et l'exploitation en résultant. La domination existe quand une personne ou un groupe de personnes utilisent "la force sociale des autres (les dominés), et par conséquent leur temps, afin d'atteindre leurs objectifs (du dominant) - qui ne sont pas les objectifs de l'agent assujetti» [ 30]. Le système capitaliste est caractérisé par l'utilisation de la force de travail du travailleur pour l'enrichissement des capitalistes, et est donc un système dominateur et exploiteur car il "signifie la capacité et le droit de vivre de l'exploitation du travail aliéné, le droit d’exploiter le travail de ceux qui n'ont pas de propriété ou de fortune et sont donc obligés de vendre leur force productive aux heureux propriétaires des deux »[31].
Cette relation entre le capital et le travail qui se joue sur le marché n'est pas la même pour les deux parties puisque les capitalistes vont sur le marché afin d’obtenir un profit, alors que les travailleurs sont forcé de le faire parce qu’ils ont besoin de travailler, faute de quoi ils courent le risque de se retrouver dans le besoin et de ne pas accéder aux conditions de vie minimales. Il s'agit d'une "rencontre entre une initiative à but lucratif et une autre ayant pour origine la faim, entre le maître et l'esclave" [32].
En outre, le chômage a pour conséquence que, lorsque les capitalistes se rendent au marché ils rencontrent les travailleurs en abondance, comme il ya une plus grande offre de travailleurs qu’il n’y a de demande :
[...] Les quartiers pauvres de la ville et les villages sont pleins de misérables, dont les enfants pleurent devant les assiettes vides. Ainsi, l'usine n'est même pas encore terminée que les travailleurs sont déjà en train de demander du travail. Une centaine sont nécessaires et un millier se présente [33].

Ainsi, cela permet aux capitalistes d’imposer leurs conditions de travail. Pour les travailleurs, cela les oblige à les accepter, car «ils sont amenés par peur de se retrouver remplacées par d'autres, à se vendre au prix le plus bas. [...] Une fois qu'il se retrouve dans un état de pauvreté, le travailleur est forcé de vendre sa force de travail pour presque rien, et en vendant ce produit pour presque rien, il s'enfonce dans une misère toujours plus grande. "[34]
Etant un système complexe, le capitalisme combine plusieurs formes de production et de classes sociales. Les paysans, en dépit de leur appartenance à un processus de production qui est pré-capitaliste, restent soumis aux exigences de compétitivité du marché capitaliste, c’est à dire le besoin d’éléments fondamentaux pour la production vendus sur le marché capitaliste. En situation de concurrence, en raison de difficultés productives et technologiques, ils sont dans une situation désavantageuse par rapport aux grandes sociétés agro-industrielles. Il y a aussi ces paysans qui vendent leur force de travail, que nous pouvons considérer comme les travailleurs ruraux d'un système capitaliste traditionnel. Les paysans, comme nous l'avons déjà vu, font également partie du groupe des classes exploitées.
On dit même que le capitalisme ne doit pas être divisé en deux grandes classes - celle des capitalistes et celle des travailleurs - mais, en fait, trois; qu'il y ait une troisième classe, appelée la "classe dirigeante", responsable du contrôle des aspects décisifs du capitalisme et personnalisant un autre aspect important du capitalisme, qui est celui de la division hiérarchique du travail. Tout au long de l'histoire du capitalisme cette classe a été de plus en plus partie intégrante de la classe capitaliste, en particulier du point de vue des intérêts défendus dans le processus de lutte des classes. Aujourd'hui, la figure de la bourgeoise traditionnelle, le propriétaire, est de moins en moins commune, le contrôle des sociétés étant effectuées par les gestionnaires et les propriétaires étant de plus en plus des groupes multinationaux, voire des actionnaires anonymes. En fait, dans la grande majorité, la classe des gestionnaires fait partie du groupe capitaliste, ou ce qu'on pourrait appeler la classe dirigeante.
Il ya aussi d'autres acteurs dans le marché capitaliste, comme les travailleurs des secteurs du commerce et des services, qui distribuent des marchandises en provenance des entreprises capitalistes ou effectuent des travaux pour eux. Les deux secteurs suivent la logique du capitalisme, à un degré plus ou moins grand, et agissent aussi dans le contexte concurenciel du marché, très souvent en utilisant le travail salarié, soutenant les propriétaires qui jouissent des fruits de cette relation injuste entre capital et travail et qui ont l'intention de générer des profits.
Comme système reproduisant l’injustice, le capitalisme sépare le travail manuel et intellectuel. Cette séparation est le résultat de l'héritage et aussi de l'éducation, car il y a une éducation différente pour les riches et pour les pauvres. Ainsi,
[...] Aussi longtemps que vous avez deux ou plusieurs niveaux d'enseignement pour les différentes couches de la société, vous aurez forcément des classes, c’est à-dire, des privilèges politiques et économiques pour un petit nombre de fortunés, et de l'esclavage et la misère pour la la majorité [35].
Tout au long de son histoire le capitalisme a évolué, devenant impliqué dans les structures politiques des pays européens à le fin du XIXe siècle, ce qui conduit à l'impérialisme et l’a fait atteindre sa phase actuelle d'expansion, qui peut être appelé la mondialisation économique. Selon l'analyse du sous-commandant Marcos, de l'Armée zapatiste:
"Ce n'est déjà plus une puissance impérialiste dans le sens classique du terme, une qui domine le reste du monde, mais une nouvelle puissance extra-nationale». [36]
En termes généraux, la mondialisation économique est caractérisée par une intégration, à l'échelle mondiale, des processus de production, de distribution et d'échange. La production est réalisée dans plusieurs pays, les marchandises sont importées et exportées en quantités énormes et sur de longues distances.
Stimulé depuis les années 1970 et 1980, la «mondialisation» s'est répandue partout dans le monde, "en se fondant, du point de vue idéologique, philosophique et théorique sur la doctrine du néo-libéralisme» [37], qui prône le libre marché et l'État minimal. L'idée de base est que le capital fournit aux espaces les meilleures conditions pour sa reproduction. Comme la production passe nécessairement par la force de travail des travailleurs, il ya une migration des sphères productives des entreprises capitalistes vers les pays dont "le coût de production" est plus faible, à savoir les pays avec une faible législation du travail et une faible législation environnementale, une organisation syndicale faible, des niveaux élevés de chômage etc En somme, les entreprises cherchent les pays ou régions où l'exploitation peut avoir lieu sans intervention de l'Etat, leur permettant de payer ce qu'elles veulent, de telle sorte qu'elles ne sont pas obligés de fournir des prestations aux travailleurs, qu'ils (les travailleurs) peuvent être licenciées à chaque fois qu'ils ( les capitalistes) le souhaite et qu'il y ait toujours plus de travailleurs désireux de combler les postes vacants, ce qui permet la diminution croissante des coûts de production ; le travail précaire est recherché et encouragé. Ce système, s'il laisse d'un côté des personnes au chômage dans les zones aux conditions optimales, permet de l'autre un chantage qui entraine l’acceptation de la précarité et menace l'organisation des travailleurs qui est de plus en plus contrôlée et poussé vers la périphérie, tel que le décrit Chomsky:
Les concepts d '«efficacité» et d’«économie saine», chers aux riches et aux privilégiés, n'ont rien à offrir aux secteurs croissants de la population qui ne sont pas rentables et qui sont poussés vers la pauvreté et le désespoir. Si ils ne peuvent pas être confinés dans les bidonvilles, ils devront être contrôlés d'une autre manière [38].
Le néolibéralisme - qui stimule la libre circulation des capitaux, mais pas la libre circulation des personnes, ni la comparaison des conditions de travail - remet en question tout le caractère "social" qui a été impose aux états pendant les grandes mobilisations qui ont marqué le monde au XIXe siècle et au XXe siècle. Le capitalisme a recherché de nouveaux espaces se développant tant à l'interne qu’à l'externe, créant de nouvelles entreprises capitalistes à travers la privatisation et la promotion de faux besoins par des moyens tels que la publicité, qui ne correspondent pas aux exigences réelles de la société. «Les Doctrines néolibérales, indépendamment de ce que vous pensez d'elles, affaiblissent l'éducation et la santé, et accroîssent les inégalités sociales et réduisent la part du travail dans la répartition des revenus." [39]
Le capitalisme contemporain est également responsable de la crise écologique majeure qui dévaste le monde d'aujourd'hui. Motivées par la logique du profit, les entreprises privées sont responsables du transfert de toute la hiérarchie de classe à la relation entre les personnes et l'environnement. La pollution, la déforestation, le réchauffement climatique, la destruction des espèces rares et les déséquilibres dans les chaînes alimentaires sont quelques-unes des conséquences de cette relation.
Les hiérarchies, les classes, les systèmes de propriété et les institutions politiques qui ont émergé avec la domination sociale ont été transférés, conceptuellement, à la relation entre l'humanité et la nature. Elle a également été de plus en plus considérée comme une simple ressource, un objet, une matière première à être exploitée de façon aussi impitoyable que des esclaves dans une plantation [40].
Le Brésil, bien intégré dans cette logique mondialisée en raison des politiques adoptées par les gouvernements précédents, partage les conséquences globales de cette nouvelle phase du capitalisme.
***
Nous considérons l'Etat comme l'ensemble des pouvoirs politiques d'une nation, qui prend forme par le biais des «institutions politiques, législatives, judiciaires, militaires et financières, etc" [41], et, de cette manière, l'Etat est plus large que le gouvernement . L'Etat, depuis sa création dans l'antiquité, en passant par l'Egypte des pharaons et de l'Etat militairo-esclavagiste de Rome, a toujours été un instrument pour perpétuer les inégalités et un élément liberticide, quel que soit le mode de production existant. Cette institution de domination, au cours de l'histoire, a connu des périodes de plus ou moins grande puissance, en fonction des temps et des lieux. L'état tel que nous l'observons aujourd'hui (l'Etat moderne) a ses origines au XVIe siècle.
Au Moyen Age, dans le but de détruire la civilisation des villes, les barbares modernes ont fini transformer en esclaves tous ceux qui s’organisaient précédemment sur la base de la libre initiative et du libre accord. L'ensemble de la société a été nivelée et basée sur la soumission au propriétaire, affirmant que l'Église et l'État devaient être les seuls liens entre les individus, que seuls ces institutions avaient le droit de défendre des intérêts commerciaux, industriels et artistiques, etc L'Etat a été constitué, par des moyens de domination, pour parler au nom de la société, dès lors qu’il était considéré comme étant la société elle-même.
L'Etat a été caractérisé par un «double jeu» qui consiste à promettre aux riches de les protéger contre les pauvres, tout en promettant aux pauvres de les protéger contre les riches. Peu à peu, les villes, victimes de l'autorité, qui mouraient petit à petit, ont été données à l'Etat, qui a aussi développé son rôle de conquérant, en venant à mener des guerres contre d'autres Etats, cherchant à se développer et conquérir de nouveaux territoires. L'effet de l'Etat sur les villes et les régions urbaines a été désastreux. Le rôle de l'Etat dans les zones urbaines dans la période des XVIe et XVIIe siècles a été;
d'anéantir l'indépendance des villes, de voler les riches corporations [42] des commerçants, des artisans, de centraliser le commerce extérieur dans leurs mains et de le ruiner, de saisir toute l'administration interne de la guilde et de soumettre le commerce intérieur, ainsi que la fabrication de toutes choses, même dans leurs détails les plus minutieux, à une nuée de fonctionnaires, tuant, de cette manière, l'industrie et les arts; de prendre possession des milices locales et de toute l'administration municipale; le concassage, par le biais des impôts, des faibles au profit des riches, et la ruine des pays avec les guerres. [43]
Après la Révolution industrielle est survenue ce qu'on appelle la «question sociale», ce qui a obligé les États à élaborer des plans d'aide afin de minimiser les impacts du capital sur le travail. A la fin du XIXe siècle a surgi, comme une alternative au libéralisme, une conception plus interventionniste de l'État qui, si elle a d'une part cherché à créer des politiques de «protection sociale», a d’autre part mis en œuvre des méthodes visant à contenir la progression des initiatives socialistes, déjà très forte à l'époque.
Aujourd'hui, l'Etat a deux objectifs fondamentaux: le premier d'entre eux, assurer les conditions pour la production et la reproduction du capitalisme, et le second, assurer sa légitimité et son contrôle. Pour cette raison, aujourd'hui l'Etat est un pilier solide du capitalisme.
L'Etat extrapole le cadre politique et fonctionne comme un agent économique du capitalisme, travaillant pour prévenir ou minimiser le rôle de ses crises ou la chute de son taux de profit. Cela peut se produire de plusieurs façons: par l'octroi de prêts à des secteurs centraux de l'économie, incitant au développement de secteurs de l'économie, par l’annulation de dettes, la réorganisation du système d'import / export, en subventionnant des produits, par la génération de revenus par la vente de produits d’entreprises publiques, etc Les plans d’assistance sociale ont également un rôle important car ils augmentent le pouvoir d'achat de secteurs de la population, stimulant et alimentant l'économie capitaliste. En outre, l'État crée des lois visant à garantir l'accumulation à long terme des capitalistes et veiller à ce que la soif de profit des capitalistes ne mette pas le système lui-même à risque.
Dans le cadre du processus historique, il a été constaté qu'il n'y a aucun moyen de maintenir un système fondé uniquement sur la répression. L'Etat, qui s’est lui-même maintenu de cette façon pendant tant d'années, a été progressivement modifié, afin de garantir la légitimité du capitalisme. Un Etat qui défend clairement la position des capitalistes pourrait intensifier la lutte de classe et il n'y a donc rien de mieux, du point de vue des capitalistes, que de lui donner un aspect de la neutralité. Lui donner l'apparence d'un organisme indépendant - ou même autonome- par rapport à la classe dirigeante ou au capitalisme lui-même -. Visant toujours à calmer la lutte des classes par des mesures étatiques développées en faveur des classes exploitées, dès lors qu’avec de meilleures conditions de vie il y a moins de chance de radicalisme. D'autre part, les mouvements de travailleurs organisés ont réussi à imposer des mesures à l'état qui leur apporte des avantages, même au détriment des capitalistes.
Comme avec la démocratie représentative, des mesures qui améliorent les conditions pour les travailleurs servent toujours, pour l'Etat, d’outil idéologique pour faire passer cette idée de neutralité, d'indépendance et d'autonomie. Cependant, on devrait plutôt en tirer comme leçon le fait que, comme l'État a l'obligation de garantir sa légitimité, cela ouvre souvent de l'espace pour les travailleurs organisés afin d’imposer des mesures en leur faveur. Il est donc nécessaire
[...] d’arracher aux gouvernements et aux capitalistes toutes les améliorations de l'ordre politique et économique de telle sorte que cela rende les conditions de lutte moins difficile pour nous et que cela augmente le nombre de ceux qui luttent consciemment. Il est donc nécessaire, de les arracher par des moyens qui préparent la voie à l'avenir et n'impliquent pas la reconnaissance de l'ordre actuel [44].
Néanmoins, il convient de garder à l'esprit que l'Etat, comme pilier solide du capitalisme, cherche à le maintenir et que, si le capitalisme est un système d'exploitation et de domination, l'État ne peut rien faire d'autre, que de maintenir les relations de classe qui existent en son sein . De cette façon, l'État défend les capitalistes au détriment du travailleur, qui ne possédant que "son bras comme une richesse, n'a rien à attendre de l'Etat; ne rencontrant en lui qu’une organisation conçue pour faire obstacle à leur émancipation à tout prix" [ 45].
Toute tentative visant à changer le système faites par les classes exploitées est durement réprimée par l'État. Quand l'idéologie ne fonctionne pas, la répression et le contrôle suivent. Comme il dispose d'un monopole sur l'utilisation de la violence dans la société, il l’utilise toujours pour faire respecter les lois, et comme les lois ont été faites afin que les privilèges de la société capitaliste puissent être maintenus, la répression et le contrôle de l'Etat visent toujours à maintenir « l'ordre ». C'est à dire, à maintenir les privilèges du capitalisme et préserver la domination de la classe dirigeante. Au moindre signe des classes exploitées qui réprésente une menace, l'état réprime brutalement, visant toujours à la préservation du système, dont la violence est l'un des piliers centraux.
Contrairement à ce que les socialistes autoritaires ont cru (et croient encore), l'Etat n'est pas un organisme neutre qui peut travailler soit au service des capitalistes soit au service des travailleurs. Si les anarchistes ont tant écrit sur l'état c’est, à juste titre, parce que la critique du capitalisme faisait consensus entre les libertaires et autoritaires - la divergence se situait autour de l'état. Les régimes autoritaires soutenaient la conquête de l'Etat et la dictature du prolétariat comme représentant une étape intermédiaire - qui a été appelé à tort le socialisme - entre le capitalisme et le communisme. Ce «socialisme» est une forme de gouvernement de la majorité par la minorité », ayant pour effet de consolider, directement et inévitablement, les privilèges politiques et économiques de la minorité au pouvoir et l'esclavage économique et politique des masses populaires» [46] . Nous estimons que
[...] Aucun État, quel que soit le degré de démocratie que leurs formes puissent avoir, même pas la république politique la plus rouge, populaire seulement au sens du mensonge connu sous la dénomination de « représentation du peuple », n’est capable de donner au peuple ce dont il a besoin c'est-à-dire , la libre organisation de ses propres intérêts, de bas en haut, sans aucune interférence, tutelle ou coercition par le haut, parce que tout État, même le plus républicain et démocratique, même pseudo-populaire [...] n'est rien d’autre, dans son essence, que le gouvernement des masses de haut en bas par une minorité intellectuelle, et donc privilégiée déclarant qu'elle comprend les véritables intérêts du peuple, plus que les gens eux-mêmes [47].
La position des libertaires, que nous tenons aujourd'hui, c'est que pour la construction du socialisme, l'Etat doit être détruit, avec le capitalisme, par le biais de la révolution sociale. Ceci parce que «qui dit État dit nécessairement domination et, par conséquent, esclavage; un état sans l'esclavage, déclaré ou dissimulé, est inconcevable, c'est pourquoi nous sommes des ennemis de l'État» [48]. L'état pense qu'il comprend les besoins des gens mieux que les gens eux-mêmes et défend une forme hiérarchique de gestion de la société, constituant les moyens par lesquels la classe qui le compose exerce une domination sur les autres, ceux qui ne font pas partie de l'état. Tout Etat crée des relations de domination, d'exploitation, la violence, les guerres, les massacres et la torture sous le prétexte de protéger le «citoyen», de même qu’il subjugue
les provinces et les villes qui composent l'Etat qui, en tant que groupes naturels, devraient jouir d'une autonomie pleine et entière. [Celles-ci] seront au contraire, régies et administrées non pas par elles-mêmes, comme il sied à des provinces et des villes associées, mais par l'autorité centrale et comm des populations conquises[49].
De la même manière que le socialisme dictatorial, la démocratie représentative fait valoir qu'il est possible d'obtenir le changement à travers l'état. En déléguant notre droit à faire de la politique [50] à une classe de politiciens qui entrent dans l'état dans le but de nous représenter, nous donnons un mandat, sans aucun contrôle, à quelqu'un qui prend des décisions pour nous: il ya une division inévitable entre la classe que fait de la politique et les classes qui suivent. Au départ, nous pouvons déjà affirmer que la démocratie représentative aliène politiquement, car elle sépare les gens de ceux qui font la politique au nom du peuple: les conseillers, députés, sénateurs, maires, gouverneurs, etc Plus les politiciens sont responsables de la politique, moins les gens s'engagent dans la politique et plus ils restent aliénés et éloignés de la prise de décisions. Ceci, évidemment, condamne les gens à une position de spectateur et non celle de «maître de soi-même", directement responsable de la résolution de leurs propres problèmes. "L'émancipation du prolétariat [...]" étant donc «impossible au sein de quelque État qui puisse exister, la première condition de cette émancipation est la destruction de tous les États» [51].
«Les politiciens» représentent la hiérarchie et la séparation entre dirigeants et dirigés, au sein et en dehors de leurs propres partis. Pour être élu partis politiques doivent obtenir un nombre suffisant de suffrages, et doivent pour cela élire un nombre important de candidats. Les politiciens sont ensuite traités comme une marchandise pouvant être vendue sur le "marché électoral"; afin de se développer, les partis sont prêt à tout - détourner l'argent, abandonner les programmes, faire des alliances avec quiconque, etc... Les « Politiciens » ne font pas de politique sur la base de la volonté populaire, mais prennent des décisions qui favorisent le parti et ses propres intérêts, ce qui accroît toujours plus leur goût du pouvoir. Après tout, les politiciens et les partis veulent conserver leurs positions et leurs pouvoirs, ce qui devient une fin en soi. Les discussions sur les questions importantes pour la société, qui est déjà limitée – dès lors que le Parlement et l'état lui-même sont les piliers du capitalisme et, par conséquent, ne permettent pas que ses bases soient remises en cause - ne sont même pas effleurées, ne sont jamais une priorité; la démocratie représentative étant conservatrice, limitant même les petits progrès pourraient se produire. Pour cette raison, nous ne devons pas déléguer la politique à des gens sans aucune conviction, qui retournent leur veste entre les libéraux et les conservateurs et sont autorisés à influencer par des promesses, des positions, la flatterie ou la peur - ce petit groupe de nullités qui, en donnant ou en refusant leurs voix, décident de toutes les questions du pays. Ce sont eux qui font ou défont les lois. Ce sont eux qui soutiennent ou suppriment les ministères et de changent les orientations politiques [52].
Cette critique de l'Etat n'est pas lié à une forme ou une autre d'Etat, mais à toutes ses formes. Par conséquent, tout projet de transformation sociale qui pointe vers la révolution sociale et le socialisme libertaire doit avoir la fin du capitalisme ainsi que de l'état comme un objectif. Bien que nous estimons que l'Etat est l'un des piliers les plus solides du capitalisme, nous ne croyons pas que, avec la fin du capitalisme, l'État cesserait nécessairement d'exister (dépérirait).
Aujourd'hui, nous savons que nous ne devrions pas nous méprendre ni sur le contexte du dix-neuvième siècle, qui a montré une divergence sur la question de l'état entre les socialistes - et c’est pour cela que l'accent a été mis sur les écrits traitant du sujet - ni avec le contexte de l'Europe de cette époque. Nous savons que les conditions au Brésil sont spécifiques et, si nous pouvons appliquer ces critiques à l'état d'aujourd'hui, nous devons savoir que notre réalité est particulière et que l’orientation de l'économie mondiale a eu une influence profonde sur la forme de l'Etat dans lequel nous vivons.
Enfin, une chose est sûre: le capitalisme et l'État sont, encore aujourd'hui, les fondements de notre société de domination et d'exploitation, constituant "pour tous les pays du monde civilisé, un seul problème universel» [53]. Par conséquent, notre idéal est encore «l'émancipation totale et définitive [...] de l'exploitation économique et du joug de l'État» [54].

Notes:

25. Les moyens de production constituent des moyens de travail et des objets de travail. Les moyens de travail sont des instruments de production, tels que les machines, équipements, les outils, la technologie, les installations, comme les bâtiments, les entrepôts, les bureaux, les sources d'énergie utilisées dans la production, qui peut être électrique, hydraulique, nucléaire, éolienne et les moyen de transport. Les objets du travail sont les éléments sur lequel le travail humain agit ; telles que les matières premières ; les végétaux et les alimaux, la terre, parmis d’autres.

26. Proletariat: Celles et ceux qui n'ont rien à part leur progéniture, c'est à dire, leurs enfants.
27. Piotr Kropotkin. "As Nossas Riquezas". In: A Conquista do Pão. Lisboa: Guimarães, 1975, p. 28.
28. Pierre-Joseph Proudhon. "2eme. Memoire sur la Proprieté". In: A Nova Sociedade. Porto: Rés Editorial, s/d, p. 35.
29. Idem. O que é a Propriedade? São Paulo: Martins Fontes, 1988, p. 159.
30. Fabio López López. Poder e Domínio: uma visão anarquista. Rio de Janeiro: Achiamé, 2001, p. 83.
31. Mikhail Bakunin. O Sistema Capitalista. São Paulo: Faísca, 2007, p. 4.
32. Ibid. p. 14.
33. Piotr Kropotkin. "A Expropriação". In: A Conquista do Pão, p. 62.
34. Mikhail Bakunin. O Sistema Capitalista, pp. 6-7.
35. Idem. A Instrução Integral. São Paulo: Imaginário, 2003, p. 69.
36. Subcomandante Marcos. "Entrevista a Ignácio Ramonet". In: Marcos: la dignidad rebelde. Chile: Aún Creemos en los Sueños SA, 2001, p. 26.
37. Ibid. p. 27.
38. Noam Chomsky. O Lucro ou as Pessoas. Rio de Janeiro: Bertrand Brasil, 2002, p. 136.
39. Ibid. p. 36.
40. Murray Bookchin. "Um Manifesto Ecológico: o poder de destruir, o poder de criar". In: Letra Livre 31. Rio de Janeiro: Achiamé, 2001, p. 8.
41. Errico Malatesta. A Anarquia. São Paulo: Imaginário, 2001, p. 15.
42. Associations professionnelles d'artisans, de marchands et d'artistes qui existait au moyen âge.
43. Piotr Kropotkin. O Estado e seu Papel Histórico. São Paulo: Imaginário, 2000, p. 64.
44. Errico Malatesta. "'Idealismo' e 'Materialismo'". In: Anarquistas, Socialistas e Comunistas. São Paulo: Cortez, 1989, p. 141. Livro em processo de reedição pela editora Scherzo.
45. Piotr Kropotkin. "A Decomposição dos Estados". In: Palavras de um Revoltado. São Paulo: Imaginário, 2005, p. 30.
46. Mikhail Bakunin. Estatismo e Anarquia. São Paulo: Imaginário, 2003, p. 169.
47. Ibidem. p. 47.
48. Ibidem. p. 212.
49. Pierre-Joseph Proudhon. "Crítica às Constituições". In : Proudhon. São Paulo: Ática, 1986, p. 87.
50. Le terme “politique”, utilisé ici, et que nous réutiliserons bien d’autre fois dans ce texte doit être compris comme “dérivé de l’adjectif provenant de “Polis” (Politik) qui signifie tout ce qui se réfère à la cité, et donc, ce qui est urbain, civil, public et meme social et sociable. Norberto Bobbio et al. Dicionário de Política. Brasília: Editora UNB, 1993, p. 954.
Par conséquent, nous ne comprenons pas la politique comme celle qui est mise en oeuvre par les moyens de la démocracie représentative. « Faire de la politique, dans ce cas, signifie participer de manière effective et décider des enjeux de société, et, plus particulièrement, ceux qui nous affectent. Nous travaillons avec l’idée qu’il y a de la politique hors de la sphère électorale.
51. Mikhail Bakunin. Estatismo e Anarquia, p. 74.
52. Piotr Kropotkin. "O Governo Representativo". In: Palavras de um Revoltado, p. 154.
53. Mikhail Bakunin. Estatismo e Anarquia, p. 73.
54. Ibid.


Sommaire

0. Préface du Traducteur

1. Introduction

2. L'anarchisme social, la lutte des classes et les relations Centre-Périphérie

3. L'anarchisme au Brésil: la perte et la tentative de récupération du vecteur social

4. La société de domination et d'exploitation: le capitalisme et l'Etat

5. Les objectifs finaux: la révolution sociale et socialisme libertaire

6. L’organisation et la force sociale

7. Les mouvements sociaux et l'organisation populaire

8. L'organisation spécifique anarchiste

9. L'organisation spécifique anarchiste: la pratique et l'insertion sociale

10. L'organisation spécifique anarchiste: production et reproduction de la théorie

11. L'organisation spécifique anarchiste: la propagande anarchiste

12. L'organisation spécifique anarchiste spécifique: formation politique, relations et gestion des ressources

13. L'organisation spécifique anarchiste: rapports entre L'organisation spécifique anarchiste et les mouvements sociaux

14. L'organisation Spécifique Anarchiste: La nécessité de la stratégie, de la tactique et du programme

15. L'Especifismo: L'organisation anarchiste, perspectives et influences historiques

16. Notes et conclusion

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