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Rwanda : 20 ans après l'horreur, rien n'est oublié, rien n'est pardonné

category afrique centrale | impérialisme / guerre | opinion / analyse author Saturday May 10, 2014 04:22author by Liaison Jura - CGA Report this post to the editors

Retour sur le rôle de l'Etat français dans le génocide Rwandais, 20 ans après
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Rwanda : 20 ans après l'horreur, rien n'est oublié, rien n'est pardonné


Le 6 avril 1994, l'avion présidentiel de Juvénal Habyarimana (président du Rwanda) est abattu par un missile d'origine inconnue. Le Hutu Power utilise cet incident pour liquider les quelques forces d'opposition et commencer le génocide de la minorité tutsi. En trois mois, les Mille Collines verdoyantes se couvrent du sang du million de Tutsi·e·s assassiné·e·s.

Le génocide tutsi : la solution finale pour le régime raciste hutu de se maintenir au pouvoir

Le régime au pouvoir à la veille du génocide est l'héritier du Parmehutu, parti politique raciste hutu appuyé par l’État Belge lors de la décolonisation, car l'élite intellectuelle anticolonialiste était majoritairement tutsie. Depuis l'indépendance, l’État rwandais est ségrégationniste et favorise régulièrement la tenue de pogroms contre « la menace tutsi ». Dans les années 60-70, de nombreux·ses Tutsi·e·s et opposant·e·s hutu·e·s s'exileront notamment en Ouganda.

À la fin des années 80 se constitue le Front Patriotique Rwandais (FPR), ayant à sa tête Paul Kagamé (actuel dirigeant du Rwanda). Cette armée se donne pour objectif la conquête militaire du pays et le renversement des institutions racistes de l’État rwandais. Parallèlement, les forces internes d'opposition se renforcent et se vivifient face à un régime vieillissant, Habyarimana étant au pouvoir depuis 1973. Face à ces menaces se développe dans l'élite politique et militaire une tendance raciste extrémiste : le Hutu Power. Ce parti va, au début des années 90, favoriser la constitution et l’entraînement de milices de « défense des Hutu·e·s », les milices Interahamwe. De façon croissante sur la Radio des Milles Collines, outil de la propagande gouvernementale, sont diffusés des appels appelant à se protéger contre la menace tutsie et menaçant le FPR d'exterminer « les leurs » (comprendre les Tutsi·e·s) s'il poursuivait la guerre.

Malgré tout cela le FPR progresse et l'opposition démocratique se renforce. Le régime aux abois va alors verser dans l'horreur dans l'espoir de se maintenir. Le colonel Bogosora qui suppléera le président assassiné lance les Forces Armées Rwandaises (FAR) dans la supervision des massacres par les milices, dans le contrôle des barrages routiers et dans le regroupement de civil·e·s tutsi·e·s, facilitant les massacres.

L’État français complice conscient

Dès le début de la décolonisation, l’État français développe des relations économiques et diplomatiques privilégiées avec le pouvoir en place malgré sa nature raciste et ses exactions. Dans le cadre de ces relations, l’État français forme l’élite militaire de l’État rwandais, le premier d'entre eux étant le colonel Bogosora, homme fort du régime durant le génocide.

Au début des années 90, Habyarimana contacte le fils Mitterrand, alors membre de la cellule africaine à l’Élysée, afin que l’État français l'aide face au FPR. Rapidement sont déployés 600 parachutistes ainsi qu'une pléthore de formateurs militaires1 : l’État français offre donc un appui important à un État notoirement raciste et dont la radio de propagande évoque la possibilité de massacres de masses. L’État français, notamment les membres de la cellule africaine de l’Élysée et du ministère des Affaires étrangères était largement informé de ces faits : en effet, de retour d'une mission internationale en janvier 1993, Jean Carbonnare entame avec ses ami·e·s de Survie2 un lobbying important. Il espère pouvoir faire infléchir le soutien de la France à cet État présentant des dérives génocidaires. Pour cela, il rencontre la plupart des huiles de la diplomatie du moment, sans aucun succès.

En 1994, l’État français reste longtemps hésitant face à l'attitude à tenir par rapport au génocide en cours. Pire, le 16 mai, Philippe Jehanne, membre du ministère de la Coopération, avoue que l’État français livre des armes aux FAR, c'est à dire à l'armée qui encadre le génocide. L’opération Turquoise censée apporter une aide humanitaire aide aussi le repli des FAR chez l'ami Mobutu de la République Démocratique du Congo.

Ces faits, et de nombreux autres, démontrent clairement que les responsables politiques de l'époque du PS et du RPR (nous vivions sous une cohabitation) sont des collaborateurs conscients de l'horreur du génocide Tutsi.

Le soutien au Rwanda au cœur de la stratégie impérialiste de l’État français

Dans les années 60, l’État français a construit un système politique à l'échelle du continent africain visant à maintenir ses intérêts économiques, notamment l'accès au pétrole. La colonne vertébrale de cette politique impérialiste, dont le but est de voler les ressources économiques des pays africains au profit de l'élite politique et économique française, est la coopération militaire. Cela permet d'avoir toujours une capacité putschiste pour instaurer un régime ami. Le Rwanda se trouve au carrefour de la zone sous domination impérialiste française et celle sous domination anglo-saxonne.

Si le régime d'Habyarimana et les génocidaires du Hutu Power favorisent les intérêts français, ce n'est absolument pas le cas du FPR qui a des liens diplomatiques avec les États-Unis et le Royaume Uni. C'est la motivation profonde du soutien important et durable de l’État français à un régime raciste puis génocidaire.

Le double génocide : thèse négationniste

Si la Shoah est insultée par Faurisson et Dieudonné, le génocide des Tutsi·e·s est souvent minoré par la thèse du double génocide. Il y aurait selon cette thèse parallèlement au génocide des Tutsi par les FAR et les milices Interahamwe, le génocide des Hutu par le FPR. S'il y a eu des massacres et des exécutions sommaires de la part du FPR, il n'y a pas eu de plan d'extermination massive ni même de volonté d'exterminer une population sur des bases ethniques.

Cette thèse est essentiellement soutenue par un journaleux d’opérette, Pierre Péan, et est relayée par des Rwandais en exil en France qui déversent leur fiel sur internet3 ou dans la presse spécialisée4. En parallèle du double génocide, le FPR est accusé du meurtre d'Habyarimana5, ce qui permet par un tour de passe-passe idéologique, à dire que le FPR, comprendre les Tutsi·e·s, est responsable du génocide des Tutsi·e·s. En revanche, Bogosora qui a planifié l'organisation du génocide et développé le recensement des Tutsi n'aurait eu qu'un rôle mineur dans cette affaire ! Il existe d'autre variantes négationnistes, l'auto-génocide du peuple rwandais contre lui-même, le génocide spontané, issu de rancœurs ancestrales entre Hutu·e·s et Tutsi·e·s, la négation pure et simple : il y aurait eu quelques massacres mais pas plus qu'ailleurs... Les thèses négationnistes profitent du peu d'images et de témoignages notamment internationaux ainsi que de la complaisance de l’État français qui n'a pas trop envie que l'on mette à nu ses responsabilités dans le génocide.

Contre l'horreur, lutter encore et toujours

Contrairement à la Shoah qui s'est réalisée avec un outil industriel, le génocide des Tutsi·e·s s'est effectué avec des armes rudimentaires, pour l’essentiel machettes et gourdins à clous. Malgré le peu de moyens, la logistique génocidaire a été très efficace puisqu'il y a eu un taux d'élimination quotidienne cinq fois plus élevé qu'à Auschwitz6.

Aussi face à cette horreur, nous devons d'abord lutter contre l'oubli du dernier génocide que l'humanité a enduré en en rappelant les événements et la chronologie. Lutter contre l'oubli signifie aussi lutter contre les saloperies négationnistes. Nous devons lutter contre l'impunité dont jouissent de nombreux génocidaires en France et dont l’État refuse l'extradition au Rwanda ou devant le Tribunal International Pour le Rwanda7. Il nous faut lutter contre l'impunité des génocidaires en exil mais également contre les responsables de l’État français comme Hubert Védrine, secrétaire général de l’Élysée au moment du génocide, et qui nous donne (on en demande pas tant !) son point de vue sur l'international régulièrement.

Nous devons également lutter contre la source profonde du génocide, l'impérialisme de l’État français en Afrique, plus communément appelé la Françafrique. Anéantir les mécanismes qui ont couvert et armé le génocide est sans doute le meilleur des hommages à faire aux victimes du génocide. Enfin, nous devons lutter contre les ordures qui, comme le disait Mitterrand à l'été 1994, pensent que « dans ces pays-là un génocide, c'est pas trop important ». Qu'ils arrêtent de semer le malheur et la désolation pour favoriser leurs intérêts à notre détriment au Rwanda et ailleurs.

Liaison Jura


1. La Françafrique, le plus long scandale de la Rébublique, p. 17, François-Xavier Verschave

2. Association de lutte contre la Françafrique

3. http://www.rwamucyo.com site d'un médecin rwandais en croisade contre le pouvoir de Kigali et notamment ses « mensonges » sur le génocide.

4. Pierre Péan est souvent cité dans Jeune Afrique.

5. Il n'existe aucune certitude sur les responsabilités de l'assassinat d'Habyarimana, mais la thèse la plus vraisemblable impliquerait le Hutu Power qui jugeait le président trop mou http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/01/18/la-verit....html

6. Rwanda : le génocide, p. 312-317, Gérard Prunier

7. Il y a des procès qui s'ouvrent en France malgré tout, notamment avec la pugnacité de Survie http://survie.org/genocide/justice-637/article/simbikan...-4640

Related Link: http://c-g-a.org/content/ial-99-genocide-au-rwanda-letat-francais-complice
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